La prière chez les Dominicains

Ne parler que de Dieu ou avec Dieu

frère Eric de Clermont Tonnerre

Lorsque nous sommes amenés, dans la famille dominicaine, à réfléchir sur notre vie de prière, nous ne pouvons pas ne pas avoir devant les yeux la figure de Dominique lui-même. C’est donc de sa personne et de sa vie de prière que l’on peut tirer quelques réflexions sur la prière des Prêcheurs. Dominique n’a pas laissé d’enseignement sur la prière. Il n’a rien écrit à ce sujet et, vraisemblablement, il n’a pas expliqué à ses frères comment prier. Il a donné l’exemple. Les premiers témoignages sont clairs et concordants sur ce point : Dominique était un homme qui priait beaucoup, qui priait sans cesse, le jour, mais surtout la nuit, au point qu’il était souvent très fatigué dans la journée.

On ne nous dit presque rien sur le contenu de cette prière. Dominique n’a rien laissé lui-même. Les frères n’ont recueilli que l’une ou l’autre formule. Ils ont surtout noté ses comportements, ses attitudes, et même ses gestes. Là encore, pas d’enseignement direct. Il priait ; on l’a vu prier ! Sans cesse il prie. Sa prière est en quelque sorte orientée, tendue vers Dieu et le prochain. Sa prière consiste à faire place en lui, en l’intime de son cœur, au Royaume : Dieu et le prochain.

Ainsi, lorsque Dominique prie, lorsqu’il regarde le Sauveur et qu’il s’attache à lui avec amour, il apprend tout à la fois à être en communion avec Dieu et à devenir apôtre. Son cœur est profondément unifié par un même et unique projet : avoir en lui « les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5), se faire, comme le Christ, serviteur du salut, serviteur de la vie pour ceux qui sont « assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort » (Lc 1, 79).

Il est heureux pour nous que Dominique n’ait pas transmis d’enseignement sur la prière, de techniques de prière, de conseils pour la prière. Sa discrétion est à elle seule un enseignement. Il n’a rien ajouté de spécifique à la prière commune de l’Église, des chrétiens et des religieux de son époque. Lui-même était un homme d’Église, « in medio ecclesiæ », en plein cœur de l’Église. Sa prière et la prière de ses frères et sœurs dans l’Ordre des Prêcheurs n’ont rien de particulier: Dominique n’a voulu mettre dans le trésor de son Ordre rien d’autre que les trésors de la prière de l’Église. Ainsi, si nous voulons réfléchir à la prière dans la vie dominicaine, il nous faut d’abord nous demander ce qu’est une prière chrétienne et vivre ensemble une véritable prière chrétienne. Ensuite, nous pourrons relever, en soulignant les principaux traits de la personnalité de Dominique, les grâces propres qui caractérisent sa prière.

Une prière fondée sur celle du Christ.

Le Christ n’est pas seulement le modèle de la prière pour les croyants. Il est lui-même la prière véritable et efficace. Il est, par sa vie, le culte agréable à Dieu. L’Église, peuple de Dieu, s’associe, par sa prière, à la prière du Christ. C’est « par Lui, avec Lui et en Lui » que le peuple des croyants s’approche de Dieu, s’offre et s’unit à Lui pour Lui rendre honneur et gloire. C’est en effet le Christ qui sait dire : « Père ». Et ses disciples, unis les uns aux autres par l’Esprit, peuvent à leur tour dire : « Notre Père ». Il est nécessaire que le croyant, en lisant l’Évangile, apprenne de Jésus comment prier, comment la prière s’inscrit dans une vie de disciple et d’apôtre, ce qu’il faut dire, ce qu’il faut faire à la suite du Christ.

Dominique a voulu être un homme de l’Évangile, un homme évangélique, c’est-à-dire un homme accueillant à la Bonne Nouvelle du Christ pour être porteur de cette Bonne Nouvelle. Dominique désirait être vraiment « membre du Christ » (Libellus)

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