Le tabernacle de Raymond Mirande

Raymond Mirande (1932-1997), poète et émailler de la région de Bordeaux réalise en 1975 les portes du tabernacle de l'église du monastère. Voici la présentation qu'il en fait.

Les Pèlerins d'Emmaüs.

C'est un au-delà de la Résurrection, un mystérieux retour du Christ, un Christ à peine reconnu, que seuls certains signes trahissent.

Le Christ, dont le visage est une amande lumineuse entourée d'une "auréole d'or" translucide, se tient debout entre les deux pè­lerins, qui sont aussi des anges, sans le savoir. Ils le sauront après le départ du Christ, lorsqu'ils s'avoueront qu'ils ont senti "leur coeur brûler". Les trois hommes ressemblent à trois arbres blancs, réduits à trois lignes verticales. Blancs comme la neige (le blanc parfois opalescent des anges du Tombeau). On devine des ailes autour d'eux. En haut, à droite de la plaque, une aile rouge vermillon, qui semble naître d'un bâton de pèlerin. Au-dessus de la tête du Christ, de minces épines noires, des traces de rubis, de mauves. Sur la poitrine, le Coeur, qui saigne, et d'où sortent des filets de sang lumineux. La main du Christ se tend vers le Poisson qui est au centre de la deuxiè­me plaque d'émail, celle de droite» L'un des pèlerins semble vouloir empêcher le Christ d'aller vers la table blanche ... Sur le bras du Christ, des racines de rubis.

Des formes sinueuses, ondoyantes traversent la partie inférieure de la scène. Ce sont des chemins, des pistes, couleur de terre et de cendre, de poudre brune. Tissus d'hommes et de routes. Signe des labyrinthes douloureux et tristes qu'il faut traverser pour par­venir à l'auberge du Royaume. Ces chemins peuvent être des bandelettes qui nous envelop­pent longtemps de leurs anneaux, et dont nous devons nous dévêtir comme de linceuls.


La table du repas

C'est l'Arche arrêtée sur les eaux, et qui porte le disque du soleil, et sur laquelle s'épanouissent les trois poissons (qui n'en sont qu'un : "poisson", en grec "ichthys" : Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur), le premier poisson étant de couleur noire, encore pétri d'humus, mais cependant déjà blessé au coeur (et son sang remplit la coupe qui repose sur l'horizon de la table, comme le Graal) et son oeil grand ouvert contient toute la lumière de l'amour ; le second poisson s'arrache à la ligne horizontale, son corps s'é­claire comme de l'ambre, il monte vers les hauteurs ; le troisième poisson s'est totale­ment dégagé des épaisseurs, il s'envole, pur, blanc vers le centre d'un soleil éclaté qui le protège du mal et de la nuit.

Purifications, métamorphoses, conquête de la trans­parence, à travers le sacrifice, le dépouillement. Joie du poisson qui a connu les fleurs de l'abîme (elles figurent sur la partie inférieure de l'émail) et qui regagne la hau­teur où plane la Jérusalem Nouvelle.


La porte du tabernacle se présente sous la forme d'un prisme, dont deux faces sont émaillées (des émaux champlevés, sur cuivre rouge) et dont la troisième s'ouvre sur l'ineffable, sur l'invisible Présence.

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